Dès la fin de l’accalmie forcée imposée par le coronavirus, les embarcations de la mort ont repris le large.
Alors que le coronavirus faisait rage durant les trois mois derniers, nos «harragas» étaient proprement abattus, atterrés. Inconsolables, ils n’arrivaient plus à vaincre la terrible hantise de voir leur beau rêve de gagner l’Eldorado européen définitivement brisé ,au fur et à mesure que leur parvenaient, presque chaque jour, les tristes nouvelles du Vieux continent où un blocus des plus rigoureux a été imposé à toutes les frontières des pays, y compris—bien sûr—celles maritimes, traditionnellement voie de passage privilégiée des embarcations de la mort.
Ainsi pris dans un sale pétrin, nos «harragas» ne savaient plus à quel saint se vouer : faut-il se résigner à perdre tout espoir d’un retour à la normale, ou continuer à prendre son mal en patience dans la perspective de jours meilleurs ? Qu’à cela ne tienne, puisqu’il s’est avéré qu’ils n’ont pas chômé pendant le confinement. En effet, selon des sources policières, certains d’entre eux se sont empressés de se réinstaller dans la jungle de la criminalité, en commettant des délits de vols et de braquages, alors que d’autres se sont rabattus sur différents trafics (stupéfiants, bavettes, vente clandestine de boissons alcoolisées). En revanche, les organisateurs des traversées illicites furent, selon les mêmes sources, les plus durement touchés par l’invasion du coronavirus, ne trouvant plus preneurs, même pas auprès de la forte communauté de migrants d’Afrique subsaharienne, pourtant toujours présente dans nos murs et prompte à sauter sur la première occasion pour prendre la mer.
Un cercueil à ciel ouvert
Puis, soudain, le déconfinement tant en Tunisie qu’à l’étranger. Hourra, soulagement ! C’est la délivrance pour les fous des mers qui, comme par enchantement et sans plus tarder ,décident de reprendre le large.
La «reprise» est à peine amorcée que son ampleur est allée crescendo. Jugez-en :l’autre jour, pas moins de 62 cadavres de migrants, dont celui d’un Tunisien sont repêchés sur les côtes de Kerkennah. Le lendemain, une bande de «harragas» est démasquée à Chebba (gouvernorat de Mahdia) alors que ses membres s’apprêtaient à mettre le cap sur l’inévitable île italienne de Lampedusa.
Un premier bilan d’autant plus lourd qu’il a été enregistré en l’espace d’une petite semaine, soit au tout début du déconfinement! On peut même dire que ce bilan est révisable à la hausse si on lui ajoute le contingent des candidats à l’émigration clandestine qui auraient réussi à gagner le littoral italien.
D’ailleurs, la vidéo qui circule ces jours-ci et dans laquelle on voit un groupe de «harragas» tunisiens lever le V de la victoire au moment de leur arrivée à Lampedusa, en est une parfaite illustration. De quoi inciter ceux qui ont échoué dans une tentative précédente et ceux qui attendent leur baptême du feu à ne pas perdre l’espoir de «s’européaniser» un jour.